Les participants à l'atelier d'écriture, réunis ce samedi matin là à la médiathèque de Pré-en-Pail, ont d'abord été invités par l'écrivain Wilfried N'Sondé à constituer une liste de mots collective autour de ce qu'évoquait pour eu la notion d'"habitat".
Chacun, accompagné à l'envie du regard discret, averti et bienveillant de Wilfried, a ensuite produit un texte, sous la forme de son choix, intégrant la totalité (ou presque, les règles sont parfois faites pour être transgressées) de ces mots partagés.
Voici les mots "contraintes" auxquels chacun a du s'attaquer: Foyer
– cité – trottoir – champ - vieilles pierres -
forêt – route – ruelle - tomette
- frontière – vitrine - abandon -
haie - trafic - église
Après les avoir partagés à haute voix -non sans une certaine émotion- à la fin de l'atelier, l'ensemble des participants a accepté que soient diffusés ces écrits, qui, partis du même endroit, s'en vont chacun voguer vers des lieux, des styles et des imaginaires différents.
Comme autant de façons d'"habiter là".
Les voici.
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La médiathèque de Pré-en-Pail.
D’ici, j’aperçois le clocher de l’Eglise au milieu d’un grand ciel bleu. Je me réveille un peu et j’imagine :
La journée va être plutôt chouette.
Je pense aller voir mes parents qui habitent pas très loin en campagne. J’ai grandi ici et même éloigné des images restent inscrites en moi. Paysages, bâtiments, haies, arbres et petits tas de pierres, vestiges de maisons abandonnées où je chassais les souris, enfant. Une chouette me surprît même une fois. Je pense prendre une carte de pêche cette année : découvrir un cours d’eau, marcher à contre-courant et deviner où se trouve le poisson sont des sensations superbes.
Tout à l’heure en descendant la rue le long de la N12, je repenserai peut-être à ce qu’a dit mon beau-frère hier soir. Pour lui, pas de centre-ville à Pré-en-Pail.
Je ne sais pas s’il a raison ou pas, en tout cas il y a de la vie. Tu peux même te prendre une caresse par un gilet bougeant au gré du vent devant la mercerie.
Je croiserai sûrement beaucoup de têtes familières aujourd’hui plus que là où j’habite depuis quatre ans.
Il fait beau !
[Jérémie]
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Mon foyer est situé dans une cité
ouvrière bordée d’une forêt privée et de champs où paissent de belles
normandes.
L’unique usine, près de la route
principale, a installé ses locaux dans l’ancienne abbaye du village.
Pour garder le cachet typique de cette
bâtisse ancienne, le propriétaire des lieux avait fait construire des maisons
en pierres apparentes, toutes identiques, afin d’y loger ses ouvriers.
L’ancienne église sert maintenant
d’étable pour un agriculteur installé dans le bourg du village, mais afin
d’avoir un lieu de culte pour les habitants, une petite chapelle a été
construite au bord de l’étang près d’un petit bois.
Quelques ruelles nous amènent près de
jardins familiaux entretenus par les villageois, où des fleurs et des légumes
se mélangent pour le plaisir des yeux.
Très peu de magasins animent le quartier
mais les vitrines et les terrasses sont toujours très colorées et attrayantes
ce qui attire les touristes venant chercher le calme et la verdure dans cette
petite cité de caractère.
Aucun trafic ne vient perturber la
quiétude des villageois où chacun reste chez soi.
Dans quelques mois une petite épicerie
ouvrira ses portes dans un local abandonné par l’ancien tapissier. Des
rénovations seront faites pour rendre l’accueil attractif mais le sol en
tomette sera gardé pour garder une certaine harmonie (...)
[Dominique]
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Je range machinalement mon bleu de
travail dans l’armoire métallique.
J’émerge lentement d’un rêve éveillé,
encore hagard. En sortant de l’usine, l’air flottant sur mon visage me rappelle
à la vie.
Je m‘installe au volant et quitte
doucement le parking.
Je traverse la zone industrielle déserte
qui semble à l’abandon. Je prends la petite route par derrière que j’aime
bien ; je sais que j’y retrouverai la maison abandonnée en vieilles
pierres.
Je traverse plusieurs cités décrépites.
Mon retour est rythmé par ces petites
stations quotidiennes.
Ce raccourci effectué, la ville se
dessine déjà avec ses vitrines éclairées. Le trafic est encore calme. Sur les
trottoirs les gens commencent à s’affairer. Les premiers clients des
boulangeries achètent leur pain et les chauffeurs routiers prennent leur café
dans les bars disséminés autour du grand carrefour.
Finalement travailler de nuit me propose
une certaine joie et un apaisement. Tout me semble être filtré.
Je quitte doucement une rocade pour
prendre ma sortie.
Ici les cités piteuses font place aux
pavillons plus récents. Après un quart d’heure de la route je sais que j’aurai
franchi la frontière, avec cette grande maison sur la gauche, pratiquement en
haut de la côte.
Je redescendrai vers ma vallée en
traversant ma forêt, si près et si loin de la ville. Au détour du virage en
bas, j’apercevrai le clocher se dessinant dans le jour qui se lève. Les haies
dessineront le paysage et le jour surprendra le bétail dans les champs.
Alors je sais que je retrouverai mon
foyer où silencieusement et heureux je boirai mon café sur la petite table
basse bancale, posée sur les tomettes de la cuisine.
[Gabriel]
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J’habite en cité, un groupe de maisons
blanches agrémentées de leurs vilains volets roulants, longé par une route où
un trafic de camions et de voitures est assez dense. Villaines La Juhel est un
centre d’usines et de travail, ce qui donne une vie animée.
Nous voyons la forêt, entourée de haies
bocagères, de champs cultivés. En ce moment les champs blanchissent sur les
Avaloirs. « Où j’habite me plaît. »
Toutes ces anciennes vitrines fermées
dans la ville de Pré-en-Pail me désolent, l’abandon se fait ressentir. Je
préfère me promener dans les petites ruelles typiques, leurs vieilles pierres
en harmonie avec le style de l’église.
[]
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Dans ma vie, je jongle entre deux
foyers. L’un à Saint-Calais, semble entouré de champs, de haies et de larges
ruelles. L’autre est à Pré-en-Pail : une vieille bâtisse datant du
Moyen-Age. Dedans, il y a encore les tomettes de l’époque. Cette maison semble
entourée d’une forêt dans laquelle on fait de longues balades, en été, sur les
chemins escarpés. La première fait partie d’une cité, construite il y a peu de
temps. La seconde, autrefois à l’abandon, a été construite avec de vieilles
pierres. La première se situe dans un village très calme où les trottoirs sont
souvent vides. L’autre, est dans une ville où les routes sont bondées de
trafic, et où les vitrines sont riches de nombreuses choses. Le seul point
commun de ces endroits si différents, ce serait leurs magnifiques églises et
leurs vitraux colorés.
[Marie]
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A
l’abri des regards
A l’abri d’une haie
Au soleil d’hiver
Au matin
En bas des champs, la brume
L’église dépasse à peine
un bout de clocher.
Là, l’ancienne cité,
ramassée dans ses vieilles pierres,
ses ruelles humides,
ses vitrines à l’abandon.
Il connaît tout ça.
Tant de fois parcouru ses trottoirs
à la faveur de la nuit,
du trafic des camions.
Tant de fois venu et reparti
par toutes les routes
à travers les grandes forêts
qui veillent sur les hommes dans un
grand silence.
Gardiennes du foyer,
frontières du monde.
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Ici
Les
trottoirs s’évanouissent en plein champ
Les routes plongent en forêt
Vieilles pierres à l’abandon
Foyers cernés de haies
Cité de ruelles
Les vitrines frémissent au passage des
camions
Seule l’église observe ce trafic
incessant
Sans frontières.
[Matthieu]
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D’ici, je ne vois pas grand chose.
Rideaux tirés. Rez-de-chaussée. Personne. On croit qu’il n’y a personne.
Personne. Rue vide. Village vide. Maison vide. Tout, sauf la route. La route.
Trafic, flux, entaille, goudron qui scie la ville en deux. Nationale,
cicatrice, nous lie, nous relie, nous éloigne. Et nous ramène toujours. Enfin
pas tous. Au bout de la rue, la route. Camions lourds écrasent l’asphalte. Ça
gronde, ça tremble, ça vibre jusque là. Nous aussi. S’habiller. Ouvrir. Sortir.
Longer les façades défraichies. Trottoirs humides. Traverser la route.
Parcourir les ruelles. Vieilles pierres. Plus loin les pavillons étalés,
parsemés, jetés là par hasard ? Soit disant. Droit de cités. Plus loin
champs, haies, forêts. Peu importe. Campagne. Et alors. On compte les vitrines
vides, on imagine les grandes baraques quand elles vivaient encore :
chaleur du foyer, odeur de l’huile de lin sur tommettes jaunes, rouges, roses.
Cloches sonnaient. Foule remontait le bourg. Fini. Passé, mort sans y penser.
« Hey ! Hey ! ». Ils hurlent. Tête baissée, démarche molle,
épaules alourdies par la brume, j’ignore. Je reconnais les voix mais c’est un
jour timide. Sombre. Gris. Bleu. Sans envie. J’entends courir et j’ai peur.
J’entends rire et je tressaille. On arrive. On galope vers moi dans le sens de
la pente. Élan. Filles, garçons. Ils parlent comme ils chantent, ils m’attrapent,
ils m’agrippent, ils m’emmènent... Le jour se lève ; je lève la tête.
Bistrot. Café serré. Ironie et bonhommie. Frontière. Mon quotidien vient
d’arriver.
[bénédicte]
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